Règlementer la transition climatique : les banques au cœur des enjeux

Fabien Delante et Guillaume Brousse, tous deux associés Audit chez Mazars Luxembourg, s'expriment sur les évolutions règlementaires pour les banques.

Depuis deux ans, les institutions financières en Europe et au Luxembourg ont pu constater une augmentation des textes règlementaires relatifs à la transition climatique.

Fabien Delante (Associé Audit à Mazars Luxembourg) et Guillaume Brousse (Associé, ESG leader à Mazars Luxembourg) reviennent sur les causes et les enjeux des différentes évolutions règlementaires pour les banques.

La planète s’est réchauffée de 1°C depuis la période préindustrielle. Tout comme une augmentation de quelques degrés de la température corporelle d’un être humain aura des conséquences graves sur son organisme (fièvre, décès dans les cas extrêmes), une augmentation de la température de la planète affectera brutalement notre écosystème. Au-delà d’un réchauffement de 2°C, les impacts sur la planète seront irréversibles: tempêtes, hausse du niveau de la mer, sècheresse, famine, augmentation de la population affectée par des maladies...

Le consensus scientifique établit que le réchauffement climatique est une conséquence des émissions de gaz à effet de serre attribuées aux activités économiques humaines. Ces activités étant soutenues par les établissements financiers, la Commission européenne a esquissé en 2018 une stratégie permettant d’adresser le réchauffement climatique en règlementant son financement. Concrètement, il s’agit de la mise en place de nouvelles normes, afin de gérer les risques financiers induits par le changement climatique et de favoriser la finance dite «verte». Cette stratégie vise à atteindre les objectifs des Accords de Paris de décembre 2015: maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C.

Risque vert

Afin de considérer les risques climatiques qui pèsent sur leur activité les institutions financières doivent considérer plusieurs nouvelles règlementations. L’Autorité bancaire européenne a publié des orientations sur l’octroi et le suivi des prêts. Dès le 30 juin 2021, les établissements financiers doivent intégrer des facteurs environnementaux dans les financements octroyés aux entreprises. Dans son guide relatif aux risques liés au climat et à l’environnement publié le 27 novembre 2020, la Banque centrale européenne énonce, par ailleurs, ses attentes en termes de gestion du risque climatique. Cela inclut, notamment, que les décisions commerciales et stratégiques des banques soient prises en tenant compte des normes et réglementations en vigueur et des connaissances scientifiques les plus récentes.

Au Luxembourg, le 7 décembre 2020, la Commission de surveillance du secteur financier a amendé la circulaire 12/552 en donnant la responsabilité à chaque institution de développer et maintenir un modèle d’affaires durable exigeant la prise en compte des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Ces exigences impliquent une vision à long terme au vu de la matérialisation du risque climatique (30 ans ou plus).

Transparence verte

Dans leur fonction de financement de l’économie, les institutions financières utilisent l’épargne de leurs clients ou les fonds de leurs investisseurs, afin de financer des prêts aux entreprises ou aux particuliers. De fait, l’argent des épargnants et des investisseurs utilisés possède une empreinte carbone déterminée par le type de financements octroyés.

Un objectif de la stratégie mise en place par les législateurs de l’Union européenne (UE) consiste à établir un cadre règlementaire permettant de mesurer le niveau de durabilité écologique des activités menées par les banques et requérant une communication à leurs épargnants et investisseurs sur ces éléments. Le règlement 2020/852 -Taxonomie de l’UE pour les activités durables - du 22 juin 2020, liste les investissements considérés comme éco-responsables par l’UE. Cela sera la base du futur «Green Asset Ratio» mesurant la part des investissements durables dans les portefeuilles des banques.

Ces textes ont surtout pour objectif de suivre le principe du «name and shame» de l'Accord de Paris, selon lequel des exigences strictes ne sont pas imposées aux institutions financières mais plutôt, des exigences de publications de leurs actions de durabilité, en espérant que le souci de préservation de leur réputation les encourage à agir de manière responsable.

Les banques vont-elles limiter leurs efforts aux nouvelles exigences règlementaires ou vont-elles aller au-delà et agir proactivement face à l’évolution de la situation environnementale?

Notre étude Mazars " fait le point sur l’état actuel des pratiques bancaires dites responsables. Au final, ces pratiques seront influencées par la demande du consommateur. Comme l’écrivait Antoine de Saint-Exupéry, «Nous n’héritons pas la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants». Dans un souci de préservation du cadre de vie que nous laisserons à ces derniers, il appartient donc à chacun d’entre nous d’encourager la transition écologique et l’adoption par les acteurs clés de stratégies vertueuses en la matière.

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